Une importante opération de translocation d’Addax et d’Oryx
algazelle a été entreprise en Tunisie entre le 18 et le 27 février 2007, dans
le cadre de l’Action Concertée CMS Antilopes Sahélo-Sahariennes, et du projet
ASS CMS/FFEM/IRScNB.
L’Oryx algazelle, dont l’aire historique de présence
permanente ou temporaire comprend l’ensemble de l’Afrique du Nord saharienne et
sub-saharienne, entre l’Atlantique et le Nil, est éteint à l’état sauvage depuis
les années 80s. L’Addax, la grande antilope des dunes de sable du Sahara, n’est
plus représentée que par une seule population viable de quelques 200-400
individus, entre le Niger et le Tchad. Disparues toutes les deux des steppes et
des déserts Tunisiens depuis le début du 20ème Siècle, elles ont été
réintroduites en 1985, à partir de zoos européens, dans une vaste zone clôturée
(2000 ha) du Parc National de Bou Hedma, dans la région centrale de Gafsa. Les
résultats obtenus jusqu’ici sont remarquables, avec une population de 130 Oryx
(2006) et d’une cinquantaine d’Addax. Les autorités Tunisiennes s’efforcent
actuellement d’étendre les limites de l’aire en défens (2000 ha pour une zone
totale de plus de 16.000 ha).
Cependant, si les milieux de steppes et de boisements à
Acacia raddiana, remarquablement préservés et restaurés au Parc de Bou Hedma,
représentent un environnement adéquat pour l’Oryx algazelle, ils ne sont par
contre pas l’habitat biologique de l’Addax. Par ailleurs, la stratégie nationale
Tunisienne de restauration de la grande faune des milieux désertiques prévoit la
réintroduction de ces deux espèces dans les espaces protégés du sud du pays.
Pour répondre à cet engagement, une vaste opération de
capture et de translocation a été organisée par la DGF (Direction Générale des
Forêts de Tunisie), avec l’appui technique et financier de la CMS au travers du
projet co-financé par le FFEM (Fonds Français pour l’Environnement Mondial).
Une telle opération ne pouvait se faire qu’avec le concours
de plusieurs partenaires du projet, en particulier l’IRSNB (l’Institut Royal des
Sciences Naturelles de Belgique, l’IGF (Institut pour la Gestion de la Faune
Sauvage) et ZSL (London Zoological Society).
Au total, durant cette opération, 20 Addax et 10 Oryx
algazelle seront capturés. Après chaque capture, une fiche technique est établie
pour chaque animal. Chaque animal est marqué individuellement, des prélèvements
sanguins sont effectués, qui permettront notamment d’établir la carte d’identité
de chacun et de connaître la base génétique des groupes fondateurs dans les
différentes aires protégées du sud du pays. Des mesures biométriques sont
relevées, un catalogue photo est établi, chaque animal est pesé, et finalement
réveillé et placé dans une caisse appropriée.
L’ensemble de ces manipulations dure en moyenne une vingtaine
de minutes par animal, mais nécessite le concours de nombreuses personnes. Il
faut aller vite, une anesthésie est toujours un moment dangereux, et ne peut
être prolongé impunément. Les caisses sont ensuite chargées sur des camions à
destination du grand sud. La route est longue, entre 300 et 400 kilomètres selon
les zones.
Le 23 février, un premier groupe de 15 Addax, 5 mâles et 10
femelles, part vers le Parc National de Djebil, au sud de Douz. Un second
groupe, composé de 3 femelles et 2 mâles, part vers le Parc National de Senghar,
un nouveau parc saharien dont la superficie, actuellement encore en cours de
négociation au niveau national, devrait être de 250.000 ha.
Des 10 Oryx algazelle capturés, 3 mâles et 5 femelles
rejoindront le Parc National de Dghoumès, en bordure du Chott al Jarid, près de
Tozeur; un mâle adulte rejoindra deux femelles dans une zone indépendante du
Parc de Bou Hedma.
L’opération de translocation est un grand succès : tous les
animaux capturés sont arrivés sain et sauf dans les différents enclos
d’acclimatation prévus à cet effet, au niveau de chacune des aires protégées du
Sud. Cette opération a permis également d’organiser en parallèle un voyage
d’étude pour 6 professionnels de la conservation de ces antilopes
Sahélo-Sahariennes, en provenance du Maroc, d’Algérie et du Sénégal. Ce voyage a
jeté des ponts entre les différents projets et initiatives à divers point de
l’aire de répartition de ces espèces.
Mais l’objectif le plus important de ce programme est sans
nul doute de braquer les projecteurs sur le Grand Erg Oriental. Et
effectivement, l’arrivée des Addax dans ce Grand Erg Oriental représente un pas
historique vers un programme ambitieux de conservation de la grande faune
saharienne. Cette grande zone transfrontalière est un vaste champ de dune
partagé entre la Tunisie et l’Algérie, où une extraordinaire diversité d’espèces
mal connues est encore représentée, dont le fleuron est sans nul doute la
Gazelle des dunes, une petite Gazelle blanche typiquement saharienne, liée aux
déserts de sable et caractéristique du Sahara central. Elle ne serait plus
présente aujourd’hui que dans le centre de gravité de sa répartition historique,
c'est-à-dire dans le Grand Erg Occidental et le Grand Erg Oriental, en Algérie
et Tunisie.
La réintroduction de l’Addax devrait permettre d’obtenir
l’adhésion des autorités, du grand public et des communautés locales à un vaste
programme de conservation et de développement durable dans cette zone
exceptionnelle.
Il est grand temps de mobiliser énergie et moyens financiers
et montrer que des projets de conservation et de développement durable dans les
régions arides du globe peuvent stimuler l’économie de ces régions, créer de
nouveaux emplois, grâce à l’écotourisme, et améliorer le niveau de vie des
communautés locales, souvent très défavorisées.
Espérons qu’une nouvelle aube se lève pour la grande faune
Sahélo-Saharienne, si malmenée par l’homme. Les translocations, qui viennent de
se faire avec succès, revêtent un caractère symbolique essentiel pour la Tunisie
et pour la communauté internationale de conservation de la nature.
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